À propos
Présentation
HA CHA YOUN est née à Masan (actuellement Changwon), Corée du Sud, en 1960. Depuis son départ pour la France pour ses études d’arts en 1983, elle vit et travaille entre l’Allemagne et la France. En 2002, elle est s’installée à Paris et région parisienne. À travers différents médias tels que l’installation, la performance, la vidéo, les objets et la photographie, elle s’efforce de répondre aux conditions locales et de s’enraciner dans un nouvel endroit.
L’utilisation des bouteilles et des sacs plastiques révèle son questionnement fondamental de la surproduction et de la surconsommation, résultantes des déséquilibres économiques mondiaux. Depuis les années 2000, à travers Sweet Home, série d’enregistrements vidéo et de performances, son travail s’est orienté vers les manifestations de la précarité économique et sociale, en particulier celle des sans abri. Depuis quarante ans, à travers l’ensemble de son travail, elle revendique un « vivre ensemble ».
Contact
ha cha youn
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Entretien
Ewa Sulek Pourquoi le sujet de la pauvreté est-il important pour vous ?
Ha Cha Youn Je crois rechercher l’harmonie et l’équilibre au sein de la société. Malgré le malaise à aborder le sujet de la pauvreté, celle-ci existe indéniablement à grande échelle dans notre société, presque partout. Lorsque nous nous sentons fragiles et confrontés à des difficultés, nous avons tendance à chercher des parallèles dans des situations similaires, n’est-ce pas ? Donner de la visibilité aux préoccupations sociétales est important. Cela vise à offrir une place équitable à ces problématiques.
E. S. Que représente l’utilisation des sacs en plastique dans votre art, étant donné que vous les utilisez très souvent ?
H. C. Y. Le matériau quotidien, la couleur variée, la transparence et le matériau écologiquement pauvre des sacs sont comparables aux vêtements d’une personne. Cependant, la véritable essence des sacs que j’utilise représente des individus sans lieu où appeler chez eux. Dans ma pratique artistique, j’entrelace souvent des sacs en plastique et des cadres. Les sacs en plastique symbolisent ceux qui vivent sans abri, à la fois physiquement et culturellement, ayant du mal à établir un nouveau foyer culturel suite à l’immigration. Ces sacs sont représentés en mouvement, volant et flottant, dépeignant la nature éphémère de leur existence. Mon objectif est d’offrir un lieu de résidence temporaire, en leur proposant un cadre où s’installer. Cependant, cela reste éphémère. Pour les sacs en plastique, je m’abstiens d’utiliser de la colle et évite de modifier leur forme, utilisant un système de pliage simple. À tout moment, ils peuvent quitter le cadre et retrouver leur liberté. J’ai intégré des sacs en plastique dans mes travaux artistiques depuis le début des années 90.
E. S. Certains de vos travaux ont été créés en Corée, d’autres en Europe. À quel point l’arrière-plan est-il important pour vous ?
H. C. Y. Je voyage occasionnellement, mais rarement à des fins touristiques. La plupart du temps, je réside en Europe. Quand je voyage, c’est souvent pour rendre visite à ma famille, dans des endroits où j’ai vécu auparavant, ou pour des expositions liées à mon travail. Je me retrouve à la fois dans une situation d’immigrant et d’émigrant. Il est crucial pour moi d’établir une importance et une existence égales dans deux endroits – en Europe et en Corée.
E. S. Quel rôle pensez-vous que joue l’art socialement engagé aujourd’hui ? Considérez-vous que votre art relève de cette catégorie ?
H. C. Y. Je ne suis pas étroitement connecté aux réseaux sociaux, et souvent de nombreux artistes actifs et engagés socialement ne sont pas suffisamment visibles dans les espaces d’exposition. Je suis profondément connecté et j’observe ce qui se passe dans nos sociétés : les modes de vie divers, les pensées, les paysages politiques, l’économie mondiale et les schémas de consommation. Ces éléments m’influencent grandement et font partie de mes œuvres artistiques. Cependant, me définir comme un artiste socialement engagé représente une responsabilité très lourde, qui me limite. Cest une contrainte importante. Si tout le monde se posait la question « Est-ce que le monde va bien ? », cela aurait un réel impact.
Extrait de l’entretien avec Ewa Sulek, curatrice du Lescer Art Center, mené à l’occasion de l’exposition Home(s) project au Lescer Art Center, Zalesie Gorne et au Centre Culture Coréen, Varsovie (Pologne), en septembre 2019.